Onze heures et une seconde
Ce soir, je trouve que chaque seconde nocturne est vivante, vivante comme les vers à soie s’épanouissant dans leurs cocons. Entre onze heures et une seconde, et onze heures et deux secondes, il y parait une nuance invisible mais bien fondamentale, qui semble un être-vivant qu’on ne connaît guère, inconnu comme l’amour.
L’amour, parait bien composé de innombrables éléments inconnus de ce genre, tandis que le soleil s’allonge sur une feuille verte : les deux(le soleil et la feuille verte) se restent étrangers l’un à l’autre, mais se cohabitent amoureusement inconnus l’un à l’autre. Je devine qu’il s’y cache un secret de la nature : comme entre onze heures et une seconde et onze heures et deux secondes, ils ont tellement de sujets à jaser entre eux, tellement d’histoires à se hériter. Ils se conversent, comme deux vers à soie, en une langue que personne ne reconnait. Alors si éventuellement, une conversation entre deux humains pouvait être ainsi, elle serait une telle bonne chose !
Ainsi chaque seconde aura l’air de l’ère aveugle avant que notre première amour ait lieu. Comme nous, les vers verts rampent sur des feuilles du mûrier sans connaître eux-mêmes. Les êtres-vivants qui habitent entre ce vert-là et le soleil, n’ont pas l’idée de ce soleil ni les feuilles d’arbre. On respire, sans savoir ce qu’on respire. On s’aime sans savoir l’amour. Les vers à soie vivent sans connaître le bout de leur chemin. Ainsi nous vivons dans ce monde, ni grand ni petit, ni bon ni mauvais, ni vivant ni mort.
Alors, onze heures et trois secondes est arrivé ?